Fables de Jean CALBRIX
Les animaux guéris de la
peste
Les animaux vivaient bienheureux sur la terre. Esculape, bon diable, avait tout astiqué; S'ensuivit que le mal en fut éradiqué : Plus de peste, typhus, entérite et misère. Les ânes paissaient, insouciants, Les autres passaient, indifférents.
Las, Jupiter un jour s'empourpra de colère Car Junon maladroite avait brûlé son steak. Il envoya du ciel, et ce sans un seul break, Des tonnes de glaçons provoquant la galère.
Le lion tout gelé Claquait des crocs dans son habit un brin pelé. Il convoqua son assemblée Qui rappliqua bien vite et débattit d'emblée. On rapporta que le lapin, Avec sa toge de satin N'avait froid ni soir ni matin. Quoi ! rugit le lion, ces effets de monarque Sur ce sujet peureux qu'à peine on ne remarque ? Son manteau, je le crois, revient à mon endroit De droit ! Majesté Président, objecta la fouine, Sentant peser sur elle, assez, on le devine, Un soupçon de danger pour sa robe d'hermine, Il faut que les élus, en ces sinistres jours, Décident de savoir par un vote unanime Si le poil sur le corps, même s'il est minime, Appartient à celui qui le porte toujours. Il y eut grand remous dans toute l'assistance, Le lion faillit bien en perdre contenance. Et le renard d'intervenir : Sire, il nous faut préserver l'avenir. On me l'a rapporté, le lapin querelleur Possède dans sa patte une arme de malheur, Sans compter que ses dents, ses grosses incisives Sont bien capables de destructions massives. De plus il ne sait pas vivre en société, Il fiente à tout vent, toute sa saleté Pollue. Il faut, Seigneur, supprimer cette bête ! L'assemblée écouta ce discours, stupéfaite. Le lion requinqué redressa haut la tête, Parla d'une croisade, une juste action, Que les dieux le guidaient avec attention, Que pour cet acte de survie, Il était animé d'une grande énergie. Et déjà les peureux, Les pleutres, les crédules, Les bêtes sans scrupules, Les courtisans mielleux Approuvèrent du roi la faconde guerrière. Mais le coq, l'aigle et l'ours ne le suivirent pas, Opposant leur véto, réfutant la manière D'envoyer le lapin au plus sûr des trépas. Le lion en colère Rassembla ses amis Et violant les lois, il déclara la guerre Au pauvre lapereau que l'on prit par derrière. En toute impunité, le crime fut commis.
Ceci
pour illustrer ce très, très vieil adage : "Tu
veux tuer ton chien ? Prétends qu'il a la rage !" Mais
n'en restons pas là, car ce cruel forfait, Cher lecteur émotif, sera puni, tôt fait !
A quelque temps de là, Jupiter fit la fête. Il invita Phébus à darder ses rayons Car Junon, repentante, avait mis sa jupette, Pour l'emmener au snack manger une raclette. Lors, le lion-lapin, à l'ombre des layons, La langue pendouillante, La peau dégoulinante, Etouffait. L'aigle, l'ours et le coq s'amusaient De le voir mijoter et sous cape riaient.
© Jean Calbrix, le 28 février 2005 Cette fable est consécutive aux errements de votre serviteur dans les officines des Editeurs. Elle a été publiée dans feue la revue Ecrire & Editer, n° 29, oct. 2000. Ballade du manuscrit sauvage Un manuscrit, un beau matin, Partit joyeux par les chemins. Il était frais, jeune et tranquille Et il pensait que dans la ville, Un éditeur bien au summum Ferait de lui un bel album Que les enfants de tous les âges Dévoreraient à pleines pages. Il ne doutait quasi de rien Ce manuscrit du beau matin.
Quand il fut dans la boîte aux lettres, Il commença à disparaître Dans les torrents de manuscrits Dont elle était à ras remplie. Mais pire advint le lendemain : Il fut extrait par une main Qui l'enferma dans une armoire Où s'étiolaient mille grimoires.
Il y resta facile un an Entre un polar et un roman. Et puis un jour, bonté divine, Il eut la joie, on le devine, D'être sorti de son placard Dans lequel il broyait du noir. Il fut posé sur une table Avec deux cents de ses semblables. Autour, on commença le tri De ce gros tas de manuscrits.
Et puis, une main féminine Doucement s'avança, câline. Le manuscrit du beau matin Retint son souffle et se contint. Elle allait être sous le charme, Il en riait déjà aux larmes.
La main le prit, le feuilleta Et aussitôt le rejeta. Il atterrit dans la poubelle, Fut pilonné, ce, sans appel.
Et c'est ainsi qu'en confettis, Il amusa tous les petits, Le manuscrit du beau matin Qui ne doutait quasi de rien. © 2000 Jean CALBRIX Le
sonnet qui suit est une fable sur les grenouilles que La Fontaine aimait
tellement épingler. Folklore La grenouille au marais
coasse au clair de lune. Sur un vert nénuphar, elle
hèle les cieux Demandant quelque roi,
fort, fort, à quelques dieux Si l'on en croit la fable
immortelle et commune. Mais elle ne veut point de
grue en sa lagune. Depuis quatre-vingt-neuf,
elle opte pour les pieux, Croyant qu'être assommée, elle
en sera bien mieux. La grenouille génère ainsi
son infortune. J'en connus une un jour,
c'est à se boyauter, On lui coupa la patte,
ordonna de sauter. Elle sauta bien sûr, étant
obéissante. Et puis, deux fois, trois
fois, cela se passa bien. Quand elle fut sans patte,
elle fut comme absente, La grenouille dès lors,
était sourde, ô combien ! © Jean Calbrix, le 3/02/05 Si vous désirez déposer un
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